Il y a un peu plus de deux ans, en novembre 2023, nous avons pris connaissance de l’existence d’une grave pollution des sols le long de l’Avenue du Cimetière, par un courrier de Mme Salima Moyard, conseillère administrative et présidente de la Fondation Communale Immobilière de Lancy, FCIL.

La lettre nous informait que la terre excavée en 2021 pour la construction des immeubles longeant le cimetière, entre les chemins du Repos et de la Bâtie, étaient polluées aux fluorures -dioxine/furane, sur une épaisseur de 80 cm. Plus de 250 tonnes de terres avaient dû être dépolluées. Pour construire le premier des trois immeubles, sur le chemin du Repos, le promoteur RealAdviser, avait déjà dû faire dépolluer la terre excavée pour les fondations, en 2020.

Mme Moyard nous avertissait sur les dangers potentiels d’une consommation des produits cultivés dans notre jardin, côtoyant les immeubles de la FCIL, et très probablement aussi contaminé.

Selon l’étude réalisée par un laboratoire indépendant, Karakas, mandaté par la FCIL, ce genre de pollution est typique de celle trouvée à proximité d’usines d’incinération et provient très certainement du crématoire, aucune autre source de pollution n’ayant pu être identifiée dans le quartier. Ce qui est noté dans le rapport d’activité 2022 de la FCIL.         

En octobre 2012, le système de filtration de la fumée du four crématoire du Cimetière de St-Georges avait été endommagé suite à une fuite d’eau survenue dans les canaux d’évacuation des fumées. Durant trois ans, jusqu’en 2015, les voisins du cimetière ont régulièrement été arrosés par des nuages de fumée noire, acre, pestilentielle, qui s’engouffraient dans les habitations, couvrait les fenêtres et les meubles de jardin, les filtres n’ayant pas été réparés par l’entreprise allemande qui les avait installés. Le département de la Solidarité et de la Cohésion Sociale, en charge du service des pompes funèbres n’était pas pressé de résoudre le problème car il bénéficiait d’une dérogation de l’Etat à l’ordonnance sur la protection de l’air jusqu’à ce que les réparations soient faites.  

Toutefois, la Ville de Genève, propriétaire du crématoire, nie toute responsabilité.

Une première question s’imposait : si la Commune était au courant de cette pollution dès 2021, très probablement dès 2020, pourquoi ne nous en informer que trois ans plus tard ?

Un échange stupéfiant avait suivi avec Mme Moyard, qui argumentait que ni la Commune ni la FCIL n’avaient l’obligation de nous en informer. Que si elle l’avait fait, c’était par sympathie, pour nous sensibiliser, qu’il était aimable de nous informer ; que c’est au propriétaire d’entretenir son jardin (sic); que la FCIL n’est pas responsable de la pollution de ces terres (ce que personne n’avait prétendu, bien évidemment). 

Et puis, c’est la faute de la Ville de Genève qui a tardé à répondre à la FCIL, et conclut qu’il n’y a aucun lien entre le crématoire et la pollution des sols à l’avenue du Cimetière…

Mme Moyard ajoutait que la Commune n’avait aucune obligation de mener des études sur notre parcelle, et refusait même de fournir les analyses effectuées, ce que nous avions demandé afin de pouvoir évaluer les risques et prendre les précautions requises.

Questionné, le Conseiller administratif de la Ville de Lancy, M. Bonfanti, nous a recommandé de solliciter au Service de Géologie, Sols et Déchets (GESDEC) d’effectuer l’analyse du sol sur notre parcelle et de répondre à nos questions -et à celles de nos voisin.es- sur l’impact que la pollution qui s’y trouverait, pourrait avoir sur notre santé, sur les animaux et les plantes. Mais le GESDEC n’a pas répondu à notre message.

Ce n’est qu’après une conférence de presse et l’interpellation du Conseil d’Etat sur la problématique par deux associations ; Sauvegarde Genève et Confignon, que nous avons été invités à participer à une réunion avec la Commune, le GESDEC, et le SABRA (responsable de la qualité de l’air), le 5 juin 2024.

Chronologie

Hiver 2020 : le promoteur RealAdviser fait excaver le terrain angle chemin du Repos – Av. du Cimetière pour y construire un immeuble, et doit faire dépolluer la terre.

Janvier – novembre 2021 : la FCIL a connaissance d’une pollution importante des sols des parcelles de l’avenue du Cimetière No 26 à 32, sur lesquelles elle veut construire deux immeubles.

Novembre 2021 : la FCIL mandate Karakas & Français pour analyser les sols et informe le GESDEC (Service de Géologie, Sols et Déchets) de la découverte de dioxines/furanes dans les échantillons de sol, ainsi que la ville de Genève, propriétaire du crématoire.

Juin 2022 : l’entreprise HRS Real Estate mandatée par la FCIL commence les travaux d’excavation et dépollue 250 tonnes de terre pour 350’000 Francs.

Août 2022 : Karakas livre les résultats confirmant une forte pollution. La FCIL les communique au GESDEC et interroge sur la responsabilité de la Ville de Genève, propriétaire du crématoire, d’où viennent probablement les émissions polluantes, selon Karakas.

15 Décembre 2022 : le GESDEC, qui a fait faire une étude par le bureau privé de Nyon Sol-Conseil, répond à la FCIL, minimisant la gravité de la pollution et niant toute responsabilité.

Septembre 2022 – juin 2023 : échanges infructueux entre la FCIL et la Ville de Genève sur la responsabilité concernant le crématoire.

21 novembre 2023 : la FCIL informe la famille Surber qu’elle a dû faire dépolluer 250 tonnes de terres d’excavation voisinant leur parcelle et recommande de ne pas consommer des produits du potager, mais refuse de fournir les analyses effectuées.

30 novembre : conférence de presse organisée par les associations Sauvegarde Genève et Confignon. Plusieurs médias parlent de l’affaire.

Un des journalistes a été interviewer Mme Moyard sur la question de la pollution des sols par le crématoire et, au nom de la loi sur la transparence, obtient les analyses.  

8 décembre 2023 : Grâce à l’action du journaliste, la FCIL communique enfin à la famille les résultats de l’analyse de Karakas, ainsi que celles du GESDEC. Selon le laboratoire privé, les sols sont fortement pollués tout le long de la barrière séparant la parcelle de la famille de l’immeuble voisin. Le GESDEC nie tout ; degré de pollution, cause et conséquences ; Sans avoir fait de relevé en dehors du cimetière, le GESDEC affirme que le crématoire n’a rien à voir dans cette histoire car les vents dominants soufflent dans l’autre sens (!!!) et qu’il n’y a pas de menace pour la santé et aucune restriction d’utilisation n’est nécessaire.

S’en suit un ping pong invraisemblable entre la FCIL, le Médecin Cantonal (dépendant du Service de Santé, dirigé par Maudet) ; Mme Christina Kitsos, chargée du Département de la Cohésion Sociale et de la Solidarité, de la Ville de Genève (propriétaire du crématoire), et sa collègue Mme Frédérique Perler, en charge du Département de l’aménagement, des constructions et de la mobilité, et le GESDEC (dépendant du Département du Territoire mené par M. Antonio Hodgers). Tous se rejettent la balle mais nous ne savons toujours pas quelles sont les mesures adéquates que les riverains, habitants et propriétaires des potagers et des jardins familiaux, doivent adopter pour éviter des conséquences néfastes sur la santé. 

13 décembre 2023. Sauvegarde du Plateau envoie les analyses datant de 2022 au médecin cantonal et demande à être informé sur la dangerosité de ces polluants pour la santé. Mais celui-ci, chapeauté par le Conseiller d’Etat de la Santé, Pierre Maudet, se déclare incompétent pour intervenir dans les cas de pollution du sol.  M. Maudet nous renvoie au Département du Territoire de M. Hodgers.

26 mars 2024. Les Associations pour la Sauvegarde de Genève et de Confignon saisissent le Conseil d’Etat sur la problématique .

Finalement, le 5 mai 2024,  M. Hodgers et le GESDEC invitent les Groupements du Plateau, de Confignon et de Genève à une rencontre avec un représentant de la commune , M. Bonfanti, à propos des traces de pollution trouvées à l’avenue du Cimetière. De nombreux membres de notre Groupement y assistent.

Au nom de la Commune de Lancy, M. Bonfanti offre de financer des analyses du sol de certaines parcelles sur le Plateau.

Huit mois plus tard, en février 2025, le Service de l’Environnement de Lancy contacte le Comité du Groupement du Plateau pour définir ensemble les parcelles qui seront analysées.

Nous avons envoyé un mail à nos membres pour demander qui souhaitait un test sur sa parcelle.

Parcelles sélectionnées

Les parcelles en jaune seront analysées en premier. Puis les rouges. Pour étendre le spectre, quelques parcelles supplémentaires, en bleu, seront testées.

Si le coût des analyses sera pris en charge par la Commune, rien n’a été convenu sur une éventuelle procédure de décontamination. Normalement c’est au pollueur de payer, mais la Ville de Genève, propriétaire du Crématoire, nie toute responsabilité dans l’affaire.

Pour le moment, dans un premier temps, il s’agit donc de connaître l’état de nos sols et la dangerosité d’une éventuelle pollution sur la santé, la flore et la faune.

Si de la dépollution s’avérait nécessaire, nous en exigerons la prise en charge par l’Etat, car il n’y a jamais eu aucune industrie polluante sur le Plateau qui aurait pu en être la cause.

Franziska Surber